état de siège

État de siège

«Où je pose le décor.
Où la ville se dessine.
Où l’errance commence.»

Extraits

Ainsi je commence mon journal

Chaque jour recommence le difficile combat de la survie.

À peine la lumière franchit les filtres des volets de l’habitation que je squatte qu’il faut rapidement reprendre les armes. Dehors, les bruits ne cessent jamais.

Il y a des combattants pour tous les moments de la journée. Il n’y a pas d’accalmie.

Et les trêves n’existent pas. Elles sont annoncées sur les canaux officiels, elles sont l’objet de tractation entre des gens que personne ne connaît, qui ne représentent donc personne. Ces gens simplifient le sens de la guerre à deux camps qui s’affrontent. Mais il n’y a pas de camp. Les monstres sont partout, ils assassinent, pillent, brûlent, violent. Peu importe qui. Les victimes meurent, ceux qui restent sont des monstres.

Je fais parti des monstres. Je ne pille pas, ne brûle pas, ne viole pas, à proprement parlé. Je me faufile entre les murs, je tue pour survivre et je ne défends personne. En ça je suis un monstre. Les monstres n’ont plus d’appartenance, n’ont plus de volonté politique, n’ont plus ni famille ni ami. Ils sont seuls et ils ont le pouvoir de tuer.

La ville sera détruite

Même si je sais qu’en dehors de la ville, il est quasiment impossible de se cacher, de survivre donc, le fait de savoir que je peux y aller à tout moment me rassure.

Nous savons qu’un jour il n’y aura plus aucun bénéfice à y rester dans cette ville. Tout aura été pillé. Nous l’aurons bien nettoyée, nous les monstres. Ce jour-là, ce sera le grand incendie. Ils bruleront tout et iront ailleurs. Bruler plutôt que revoir de cette ville fantôme renaître cette ville qu’elle a été, cet espace de culture et de liberté.

Ils rayeront de la carte ce qui fut un jour le symbole de la démocratie et qu’ils ont si bien su réduire au silence. Et nos cris, les cris d’avant que nous soyons ces monstres, n’eurent plus aucune oreille extérieure pour les entendre.

Certaines dictatures ou guerres civiles sont préférables aux démocraties…